Tension Bénin-Niger : « des grenouilles qui se prennent pour des taureaux »
Expédit Ologou, politologue et chercheur en Science politique, Maître-Assistant des Universités du CAMES et président du Civic Academy for Africa’s Future (Ciaaf), a publié le mardi 21 mai une analyse détaillée des causes et des conséquences de cette crise. Intitulé « Malentendu bénino-nigérien : sources et ressources pour sortir de la crise », cet article met en lumière les erreurs diplomatiques commises par les autorités des deux pays, lesquelles tirent leurs sources de l’« orgueil de Talon et de Tchiani »â€‹â€‹.
Abdourahamane Tchiani du BeÌnin et Patrice Talon du BeÌnin
Selon Expédit Ologou, le conflit entre le Bénin et le Niger, « qu’il n’est pas exagéré d’appeler une guerre de nains qui se croient géants », est une « situation tragi-comique ». La décision du Bénin d’interdire le chargement de pétrole nigérien via le pipeline Niamey-Cotonou a ravivé les tensions entre les deux nations​​ et comme « deux grenouilles se prenant pour des taureaux », ces deux États parmi les plus pauvres du monde, malgré leurs régimes divergents, convergent en un point, celui de « l’instauration du règne de la faim et de la terreur et la paupérisation de leurs populations » plutôt que la paix et la prospérité​​.
Le ridicule, c’est donc que aussi bien le coup d’Etat de Tchiani que la démocratie à la Talon offrent de moins en moins de pain aux Nigériens et aux Béninois mais compromettent de plus en plus la paix dans et entre les deux Etats. Le ridicule, du moins la part du tragique qui y a cours, c’est l’ombre manipulatrice – peut-être maléfique – des tiers puissants : la Chine, la Russie, la France, etc.
Expédit Ologou
Pour le politologue béninois, les erreurs des deux côtés de la frontière sont flagrantes. Le président béninois Patrice Talon, « porte-parole belliqueux de la CEDEAO », a agi avec arrogance, se comportant comme à son habitude en politique intérieure : « avec morgue et injonction ». En se montrant trop zélé, il a oublié que les putschistes nigériens ne sont pas des « opposants et jeunes béninois que, à coups de police et de CRIET, on fait frémir, prendre le chemin de l’exil ou que l’on éconduit en prison ».
A en croire Expédit Ologou, l’attitude agitée du Bénin dans l’épisode des sanctions de la CEDEAO laisse encore des séquelles dans l’espace psychique des putschistes de Niamey. « Les militaires, en plus putschistes, ont la rancune dure, la patience de la réplique et le talent de l’usure ». Et plus encore, poursuit-il, comme les Sahéliens en général, la culture de la souffrance et de la résilience dans l’adversité et l’inimitié…
Patrice Talon devrait s’y faire et fonctionner même avec l’hypothèse que le régime de Tchiani peut se nourrir du bras de fer, souffrir du statu quo pour encore deux ans et ne revenir à de vrais meilleurs sentiments qu’au départ du président béninois du pouvoir en 2026.
L’orgueil nigérien
À l’autre bout, le Général Tchiani, chef des putschistes nigériens, reste obstinément hostile, maintenant les frontières fermées malgré la levée des sanctions de la CEDEAO en février 2024​​. Pour Ologou, les autorités nigériennes elles aussi agissent par orgueil et par méprise des principes des relations internationales et « elles se comportent, à certains égards, comme des enfants capricieux qui croient pouvoir tout obtenir sans contrepartie douloureuse« .