Bénin: face à la jeunesse, Patrice Talon à coeur ouvert mais les oreilles fermées

Patrice Talon face à la jeunesse béninoise
Dès les premières minutes, Patrice Talon a pris le dessus sur le format, transformant l’exercice de dialogue en un long monologue. Volontier didactique, souvent professoral, il a déroulé sa vision du développement avec l’assurance d’un capitaine qui connaît sa trajectoire. Mais à force d’expliquer, il a aussi éludé, car cette posture de « maître de conférence » a parfois éclipsé l’intention première qui est d’écouter.
Une pédagogie descendante, plus qu’un échange véritable
À la question de la précarité de l’emploi, le Chef de l’Etat a préféré défendre une politique de dérégulation du marché du travail. Pour lui, protéger l’emploi nuirait à la compétitivité et ferait fuir les investisseurs. A l’en croire, la priorité doit être donnée à la création massive d’emplois via l’investissement privé, quitte à assouplir certaines protections pour les salariés. Pour le président, « il vaut mieux déréguler l’emploi pour créer des emplois, que de réguler l’emploi pour n’en créer aucun ». Il a reconnu cependant que la sécurité des employés passe aussi par la qualité de leurs prestations et la concurrence entre employeurs dans un environnement dynamique.
Une posture qui relègue les garanties sociales au second plan, et qui occulte une réalité. au Bénin, la croissance ne crée pas assez d’emplois décents, encore moins durables.
Plutôt que de prendre acte de ces signaux d’alerte, le président les a, dans la plupart des cas, reformulés pour mieux les intégrer dans sa logique argumentative. À aucun moment il ne remet sérieusement en cause l’orientation de ses politiques économiques. Au contraire, il les justifie point par point, quitte à banaliser certains sacrifices sociaux.
Il défend une économie où la qualité du salarié doit garantir sa stabilité, et non le droit; où les lois doivent avant tout sécuriser les investisseurs, et non équilibrer les rapports sociaux. Un positionnement idéologique net, mais qui laisse de côté une réalité bien connue. Celle que la majorité des jeunes diplômés n’ont pas accès à l’entrepreneuriat, et peinent à trouver un premier emploi, encore moins un emploi digne.
Un mea culpa tardif sur la formation professionnelle
Le président a reconnu ne pas avoir pu mettre en œuvre son ambitieux plan de formation technique et professionnelle. Il l’a même présenté comme sa « plus grande frustration ». Il a regretté que cette ambition n’ait pas été priorisée plus tôt dans ses mandats, même si, a-t-il rassuré, « tout est prêt aujourd’hui » pour la construction d’une soixantaine d’écoles techniques dans tout le pays. Une réforme qu’il espère voir se déployer dans les 18 à 24 mois à venir, avec pour objectif d’ici 2035 que 7 jeunes sur 10 soient formés à un métier pratique.