Au Bénin, le bras de fer silencieux entre l’UPR et le BR face aux élections générales de 2026

Logo de l’UPR et du BR
Le Bénin se prépare à des élections générales en 2026 (municipales en janvier puis présidentielle en avril). Le président Patrice Talon, élu en 2016 et réélu en 2021, arrivera au terme de son second mandat constitutionnel en 2026 et a réaffirmé qu’il ne briguerait pas de troisième mandat. Conformément à la Constitution béninoise qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels, il a promis passer la main à son successeur au soir du 26 mai.
Cette situation ouvre la voie à une succession inédite car pour la première fois depuis 1990, à moins d’un an de l’échéance, aucun candidat ne s’est officiellement déclaré, ni au sein de la majorité au pouvoir ni dans l’opposition. Cela témoigne de la mainmise totale et complète de Patrice Talon sur le jeu politique. L’enjeu pour la mouvance présidentielle – la coalition des forces politiques soutenant Talon – est donc de préserver le pouvoir en 2026 en désignant un successeur capable de l’emporter et de pérenniser les réformes et acquis des deux mandats de l’actuel président.
En 2019, la réforme du système partisan initiée sous le premier mandat de Talon a rationalisé le paysage politique en regroupant d’anciennes formations en deux grands blocs pro-gouvernementaux, l’Union Progressiste le Renouveau (UPR) et le Bloc Républicain (BR). Ces deux partis « siamois » du camp présidentiel dominent aujourd’hui les institutions et collaborent en principe pour soutenir l’action gouvernementale. Toutefois, derrière l’unité de façade, des fissures et rivalités internes sont apparentes entre ces mastodontes politiques.
L’Union Progressiste le Renouveau (UPR)
L’Union Progressiste le Renouveau est née en 2022 de la fusion de l’ancien parti Union Progressiste avec le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) d’Adrien Houngbédji. Forte de 53 députés (majorité relative à l’Assemblée nationale) et d’un vaste réseau de militants, l’UPR est un pilier de la mouvance. Son président actuel, Joseph Djogbénou, ancien garde des sceaux et ex-président de la Cour constitutionnelle, est un proche de Talon et a été l’un des artisans des réformes politiques. En juillet 2022, le vétéran Bruno Amoussou lui a cédé la tête du parti, faisant de Djogbénou une figure centrale du dispositif Talon.
Cependant, l’unité interne de l’UPR est loin d’être acquise. Djogbénou ne ferait pas l’unanimité en interne en tant que potentiel candidat de 2026. Après la réunion stratégique du 28 avril 2025 (voir section suivante), l’homme se serait positionné, à la surprise de certains comme le « candidat naturel » de l’UPR en invoquant le règlement interne du parti et refusant l’idée de primaires compétitives. Cette déclaration avait choqué de nombreux cadres, jugée « inacceptable de la part d’un grand artisan des réformes ». Djogbénou serait même allé jusqu’à se proclamer en privé comme le « premier choix » de Patrice Talon, suscitant indignation et fronde chez les alliés. Son attitude avait alors déclenché une véritable guerre de leadership au sein de l’UPR, certains dénonçant ses « injonctions unilatérales » alors qu’il n’aurait pas l’aval du président Talon pour être le dauphin. Face à cette défiance, Patrice Talon « vit mal » le comportement de son ancien avocat et l’on s’attend à ce qu’il recadre sévèrement Djogbénou. Mais le rapprochement constatés entre les deux hommes ces dernières semaines semble orienté vers une toute autre voie.
Parallèlement, l’alliance avec le PRD originel s’est effritée. Adrien Houngbédji, le vétéran fondateur du PRD, déplore une fusion mal gérée avec l’absence de congrès fondateur de l’UPR et la non-prise en compte des composantes d’origine. En février 2025, Houngbédji a publiquement marqué sa rupture d’avec la mouvance présidentielle en dénonçant la « politique d’exclusion » et la « régression démocratique » du régime. Il conteste la « disparition » légale de son parti et envisage de reprendre l’autonomie du PRD, en proposant même l’annulation de l’accord de fusion de 2022. Cette crise interne a été révélatrice de l’échec du « mariage » UPR-PRD et crée une incertitude sur l’ampleur de la base électorale réelle de l’UPR si le PRD reprend son chemin séparé. Néanmoins, l’entourage de Talon minimise l’impact de ce départ, tout en reconnaissant que Houngbédji conserve un potentiel de nuisance non négligeable s’il bascule dans l’opposition.